Nous avons été profondément choqués et blessés par les événements de Paris que nous avons suivi en direct sur les chaines d’information et les réseaux sociaux.
L’assassinat de membres de la rédaction de Charlie Hebdo parce qu’ils symbolisent la liberté d’expression qui nous est si chère, d’agents de police parce qu’ils sont les garants de notre sécurité et de l’État de droit, et de juifs seulement parce qu’ils sont juifs…
Ces actes ignobles, intolérables, nous les condamnons avec la plus grande force et fermeté !
Nos pensées vont avant tout aux victimes et à leurs familles, auxquelles nous rendons hommage et témoignons tout notre soutien.
En assistant à ce déferlement de violence, j’ai été saisi de stupeur et d’horreur. Cela nous touche tous, au plus profond de nous, quelques soient nos opinions, nos convictions. Dans le pays des droits de l’Homme, c’est la démocratie qui a été frappée en plein cœur. Ce sont nos modes de vie, nos valeurs de liberté d’expression, de pluralisme, de tolérance et de respect de l’État de droit qui étaient visés. Nous nous sommes tous sentis Français et solidaires.
Je tenais à saluer la réaction des citoyens français, mais aussi en Belgique, en Europe et dans le monde. Quel plus bel hommage à nos valeurs démocratiques communes que le calme et la dignité manifestés dans tous ces cortèges. Cette unité vibrante pour la défense de la liberté et du vivre ensemble, ce patrimoine si précieux et fragile à la fois.
Avec la banderole, « Je suis Charlie » à la Place Schweitzer, Berchem-Sainte-Agathe a participé à ce mouvement de solidarité. Je voulais le souligner et vous en remercier.
Après un tel drame, alors que ces terroristes continuent de nous menacer ici et ailleurs, il est primordial de rester unis et solidaires. Ne pas céder à la peur, ce venin qu’ils tentent d’instiller pour nous diviser et nous opposer, ne rien concéder de nos acquis démocratiques, jamais!
Vient à présent le moment de la réflexion et de l’action.
Réflexion tout d’abord autour de la liberté d’expression. En rappelant que le vivre ensemble dans nos sociétés est garanti par le respect d’un ensemble de droits fondamentaux, dont la liberté d’expression. Il est de notre devoir de marteler inlassablement et avec force le caractère intangible de ces valeurs, piliers de notre si magnifique modèle de société, patiemment construit au fil des siècles. Charlie Hebdo, c’est une liberté de ton, qui peut ne pas plaire à tout le monde, parfois heurter ou choquer – on se souviendra de cette « Une» lors du décès du Roi Baudouin – mais, « Je suis Charlie » cela signifie que, d’accord ou pas avec une parole ou une idée, la liberté de pouvoir l’exprimer est fondamentale, non négociable, gravée dans notre ADN. La seule ligne rouge, encadrée par un solide arsenal juridique, est celle de l’incitation à la haine, à la violence, au racisme, à la discrimination. Une limite qui n’en est pas une, mais au contraire une garantie du respect dû à chacun, pour s’émanciper, pour pouvoir faire société. Certains, en référence à des fauteurs de haine, qui rappelons-le quand même ont été condamnés par la justice, s’émeuvent d’un deux poids deux mesures. Il y a une différence radicale entre provoquer la haine et provoquer la réflexion.
Réflexion aussi sur l’antisémitisme. Cette plaie ouverte qui doit être l’affaire de tous et pas seulement celle des juifs. La recrudescence d’actes antisémites doit être combattue avec la plus grande fermeté. Il faut être inflexible et sans concession sur le sujet! Je suis inquiet et blessé que nombre de nos concitoyens de confessions juives puissent penser à quitter notre pays, leur pays. Pour paraphraser Manuel Valls: «la Belgique sans les juifs de Belgique ne serait pas la Belgique ». Nous serions amputés d’une part de notre tout.
Réflexion enfin sur la stigmatisation à l’œuvre de nos concitoyens de confession musulmane. Ces paroles ou sous-entendu sur la responsabilité supposée de l’Islam et des musulmans dans ces actes fous sont tout bonnement insupportables. Dire ou laisser penser cela est un amalgame inacceptable que nous devons combattre sans répit. Rappelons que les premières victimes dans le monde de ces fanatiques sont les musulmans eux-mêmes (en Irak, Syrie, Nigeria, etc.). Ils sont aujourd’hui victime d’une double peine qui constitue un double fardeau : subir l’amalgame et le regard suspicieux pour des actes dont ils ne sont ni responsables, ni solidaires et se voir confisquer leur croyance par des terroristes dont l’inculture religieuse n’a d’égale que le caractère sectaire de leurs organisations.
Préservons-nous de réduire quiconque à une appartenance religieuse au risque de provoquer le morcellement de notre société. Nous sommes avant tout citoyen d’un même pays, égaux en droits et en devoirs, avec des parcours, des cultures et des croyances différentes. Cette diversité est une richesse. Elle a façonné notre société. Et quoi qu’en disent certains, notre vivre ensemble a fait ses preuves. Je n’accepte pas les raccourcis simplistes, les discours réducteurs et caricaturaux sur l’échec de l’intégration, encore récemment relayé sur une grande chaine de télévision belge. Abordons avec lucidité et responsabilité les difficultés existantes sans verser de l’huile sur le feu.
Je voudrais faire une brève parenthèse sur le contexte international. L’enlisement du drame syrien et la paralysie de la communauté internationale ont été habilement instrumentalisés par les mouvements radicaux. L’absence de perspective de paix entre Israël et la Palestine est source de frustrations et est perçue comme l’une des plus grandes injustices de notre temps. L’impact de ces conflits ne peut être ignoré. Y mettre un terme est une urgence.
Les événements de Verviers, et les opérations en cours sur le territoire, nous obligent à agir et à proposer des solutions.
Le premier des devoirs est d’assurer la sécurité de tous les citoyens en démantelant les filières terroristes, les réseaux criminels et d’embrigadement des jeunes. Vivre en sécurité est un droit fondamental. Pour assécher ces filières, il nous faut offrir des perspectives d’avenir aux jeunes de notre pays. En manque d’espoir, sans horizon, ils deviennent des cibles faciles pour les recruteurs de la haine.
Tout ceci nécessite des moyens énormes et un travail de longue haleine.
Avec l’intervention des régions, des communautés, du Fédéral et une coopération au niveau européen et international.
Chacun doit prendre sa juste part à cet effort collectif. Les communes, échelon de proximité par excellence, ont un rôle essentiel à jouer. C’est le premier lieu où s’apprend et s’exerce la citoyenneté.
A Berchem-Sainte-Agathe aussi, notre responsabilité est engagée. Pourquoi ne pas envisager une journée pour sensibiliser au vivre ensemble, à la citoyenneté, à la liberté et la démocratie ? Ce n’est bien sûr qu’un exemple. Je nous invite, M. le Bourgmestre, par delà les positions partisanes, à lancer une réflexion d’envergure sur la batterie de mesure que nous pourrions mettre en œuvre dans notre commune en étroite collaboration avec l’ensemble de la société civile berchemoise.
Ensemble, veillons à préserver notre ouverture à l’autre et à renforcer les liens entre les citoyens aux travers d’actions et de politiques inclusives.
Yonnec Polet
Conseiller communal